Après avoir découvert comment nous choisissions nos essences de bois (Episode #1).
Après avoir compris comment nous fabriquions l’aile (Episode #2), le fuselage (Episode #3) du DR401 (et du DR400 avant lui) et enfin comment nous entoilons et marouflons nos cellules (Episode #4), nous vous proposons de découvrir cette fois-ci le process peinture et protection de nos ailes et fuselages en bois et toile.
Introduction : Pourquoi la peinture est-elle si importante ?
Peindre un avion, comme ça, cela ne paraît pas bien compliqué. Et bien détrompez-vous. Derrière la simple couche de peinture blanche propre à tous nos DR401 (et les DR400 avant eux), il y a un énorme travail de nos peintres. Pas moins de 4 différentes couches d’enduits et de produits de protection sont appliquées sur l’aile, le fuselage ou les pièces (selon leur conception : polyester, bois, métal) par nos peintres avant de pouvoir passer la couche de peinture finale.
Quand on sait que certains avions nécessitent jusqu’à 250 heures de peinture, on mesure un petit mieux la place que prend cette étape dans la fabrication de nos avions. Mais alors pourquoi autant de travail et autant d’étapes de peinture. L’effet désiré n’est bien entendu pas de simplement recouvrir nos ailes et nos fuselages d’une belle peinture blanche… L’objectif est de leur assurer une durée de vie la plus longue possible, c’est à dire :
- Protéger le bois des agressions extérieures
- Garantir une peinture qui tienne dans le temps
- S’assurer que le résultat final (la beauté extérieure de l’avion) soit à la hauteur de vos attentes (pilotes et clients)
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Arrivée de l’aile swiftwing – 1ère couche : ENDUIT ALUMINIUM
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Les ailes entoilées et marouflées arrivent de la menuiserie et sont stockées, pour finaliser le séchage, dans une pièce dédiée à la peinture dans l’attente d’être traitées. Elles sont encore brutes (uniquement la colle et l’enduit ayant permis de maroufler ou coller la toile sur l’aile).
Lorsque les peintres sortent une aile « brute » pour la traiter, ils commencent par poncer l’intégralité de l’aile avec des feuilles abrasives (notez que plus il y a de grains au cm carré sur une feuille abrasive, plus le ponçage sera léger). L’objectif est de préparer la surface ce qui permettra de mieux « fixer » les futures couches d’apprêt et de peinture, mais également de gommer les défauts et aspérités résiduels.
Pour vous aider à visualiser l’impact que peut avoir le ponçage sur la durée de vie future d’une couche de peinture ou d’apprêt, voici un schéma explicatif :
L’utilisation de l’abrasif concerne surtout la partie marouflée de l’aile (swiftwing : nouvelle aile coffrée du DR401). En ce qui concerne l’intrados, qui lui est toujours entoilé à l’ancienne, le ponçage se fera de manière plus légère et avec du scotch-brit (plus léger, plus doux que les papiers abrasifs).
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Une fois poncée, l’aile est alors nettoyée et dégraissée : le peintre débarrasse l’aile de toutes les poussières de toile et de colle/enduit qui sont restées accrochées suite à l’opération de ponçage. En effet, ce serait dommage qu’il reste des poussières sur l’aile lorsque l’on applique la première couche d’enduit… une simple poussière se voit comme le nez au milieu de la figure une fois qu’on y appose de l’enduit.
Après le dépoussiérage, notre peintre applique ensuite deux couches d’enduit de TENSION Aluminium nitro-cellulosique. Cet enduit donne une première teinte grise à l’aile. Cette couche d’enduit aluminium va permettre d’offrir une protection maximum à l’aile (et notamment contre les UV). Mais elle va aussi permettre, nos avions étant en bois et n’étant de ce fait pas repérables aux radars, de les rendre « repérables ». Et oui : cette fine couche d’aluminium leur permet d’être visibles des radars. Sans elle, nos DR401 ne le seraient pas…
Peut-être une piste à creuser pour les services secrets du gouvernement 😉
Une première couche d’enduit est appliquée au pistolet sur l’intrados et l’extrados. Une fois cette première couche d’enduit passée, compter 10 à 15 minutes de pause. Ce « repos » de courte durée donnera le temps qu’il faut aux solvants présents dans la couche d’enduit pour s’évaporer (appelé en interne la « désolvantation »). Cela évitera par la suite que des bulles se forment sur les couches d’enduit, d’apprêt et de peinture.
Une fois cette pause respectée, une deuxième couche d’enduit de tension est appliquée.
Il faut ensuite respecter un temps de pause de 4 heures, afin que la surface puisse sécher correctement, avant de « déglacer » (ponçage très fin) l’intégralité de l’aile (pour créer à nouveau l’accroche nécessaire pour recevoir la prochaine couche). Une fois le ponçage effectué, l’aile doit être dépoussiérée à nouveau.
Cette dernière est ensuite dégraissée contre les corps gras qui pourraient être présents dans l’air et qui pourraient nuire à la qualité et à l’accroche de nos couches de peinture. Pour dégraisser, nos peintres utilisent deux produits : un vinaigre blanc basique et un dégraissant dédié.
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2ère couche : Passage de MASTIC
La première couche (aluminium) ayant été appliquée, il faut désormais passer au masticage. Cette opération consiste à utiliser du mastic (polyester) et à l’appliquer avec une raclette ou un pistolet (selon les défauts et la surface à traiter) afin de boucher les endroits qui seraient encore poreux (l’enduit d’aluminium étant une matière relativement poreuse qui ne suffit pas à protéger l’aile des agressions extérieures) et les bords de bandes de toile qui « dépasseraient » encore. L’objectif est de rendre l’aile la plus lisse possible.
La voilure est ensuite poncée (pour faire ce qu’on appelle « un dégrossi », c’est à dire ne garder que l’essentiel du mastic), puis re-dépoussiérée afin que la troisième couche puisse être appliquée.
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3ème couche : Les couches d’apprêt
Vient le moment de mettre les deux couches « d’APPRÊT » (Assoupli). Il s’agit d’un enduit que l’on applique sur la toile afin de la rendre propre à recevoir la peinture. Il s’agit également de réduire le pouvoir absorbant et la porosité de la surface sur laquelle la peinture sera appliquée. Il permet également de « boucher » les rayures laissées par l’étape de ponçage précédente. Il gommera les derniers défauts microscopiques.
L’apprêt à base de polyuréthane (isolant), est appliqué sur l’extrados de l’aile (partie coffrée). L’intrados quant à lui n’est pas concerné.
Une fois la couche d’APPRÊT appliquée, il faut la poncer (avec un papier abrasif extra-fin) afin que l’aile puisse enfin recevoir la couche finale : la peinture.
- Poncer
- Souffler
- Dégraisser
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4ème couche : La base de PEINTURE (blanc Materhorn)
Comme pour l’apprêt, la peinture utilisée est assouplie afin de lui permettre de suive les inévitables déformations que subit la structure. Attention toutefois, plus on met d’assouplissant dans la peinture, plus le temps de séchage sera long. A l’inverse, moins on met d’assouplissant moins la peinture sera capable d’absorber des éventuelles déformations avec un risque fort de craqueler.
Pour faire 1 litres de peinture diluée, nos peintre font un mélange précis suivant les spécifications des fabricants avec les composants suivants :
- peinture Blanc Materhorn
- durcisseur
- diluant
- assouplissant
Si le dosage adapté n’est pas respecté, le résultat ne sera pas à la hauteur et l’aile ne sera pas acceptée par notre service qualité. Il faudra donc tout reprendre en peinture… Le dosage est donc quelque chose à ne pas prendre à la légère. Celui-ci s’effectue dans un « labo » dédié.
Une première couche de peinture est appliquée au pistolet sur l’extrados et l’intrados de l’aile. Ensuite, 10 minutes de « désolvantation » sont laissées avant que la deuxième couche de peinture puisse être appliquée.
Pour accélérer le sèchage, il est possible d’étuver l’ensemble : cela consiste à chauffer la cabine de peinture à 40°c et de laisser la peinture sécher (« polymeriser ») pendant une heure à cette température. L’aile est ensuite stockée et laissée au repos pendant 48 heures afin de garantir un séchage (polymerisation) satisfaisant.
NB: les peintures polyuréthane doivent être chauffées (étuvée) pour obtenir leur caractéristiques de résistance finales.
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La pose du Décor : l’étape « finale »
Ensuite, le peintre peut poser les films pour mettre les décors.
Les films (à usage unique) permettent de définir avec précision les zones qui doivent être peintes et celles qui doivent être protégées. Ces films permettent à nos peintre de tracer sur le fuselage les zones de peinture. Une fois ces zones tracées au crayon, les peintres peuvent ensuite protéger les zones qui resteront blanches avec du papier et du scotch et laisser à l’air libre les zones qui recevront les couches de couleur du décor : c’est le « masquage ».
Ces films de traçage sont créés par ordinateur et à l’aide d’une imprimante dédiée et transmis aux peintres avec de la documentation précise indiquant les cotes exactes de positionnement. Il s’agit une fois de plus d’un travail de grande précision ou il n’y a aucun droit à l’erreur.
Les films (pochoirs) sont posés après avoir été mouillés en utilisant une méthode de « raclage ». Les parties à peindre pour former le décor sont alors déglacées avec le scotch-brit (pour créer une accroche) et dégraissées. 2 couches de peinture de la couleur désirée peuvent alors être appliquées. Il faut attendre 12h à minima (temps de séchage et de repos idéal).
Finalisation : le marche-pied
Une fois le décor terminé, il reste à réaliser le marchepied, qui n’a pas eu droit à sa couche de finition à la peinture blanche.
Il faut d’abord protéger l’aile qui a été intégralement peinte en blanc et qui ne doit plus subir aucun traitement (elle est fin prête).
Une couche de peinture dédiée pour nos deux marche-pieds est appliquée au pinceau, au rouleau et avec une spatule sur toute la largeur de l’aile sur la zone dédiée. Cette peinture dédiée est composée de grains de sable permettant de donner l’aspect anti-dérapant que tous les pilotes et passagers de DR401 et de DR400 connaissent. Ce produit, sans durcisseur et sans diluant, sèche directement à l’air libre.
Une fois qu’il a séché, les protections sont enlevées et l’aile est prête à être envoyée au montage pour être équipée (trains, volets, …).
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Et pour le fuselage et les « pièces détachées » ?
C’est une bonne question.
Pour peindre le fuselage, le process est strictement identique à celui de l’extrados de l’aile swiftwing (coffrée). Le fuselage et l’extrados sont tous les deux marouflés et nécessitent donc le même traitement.
Pour les pièces détachées, le process de peinture peut varier légèrement d’une pièce à l’autre.
Aujourd’hui nous peignons, entre autres, les pièces suivantes :
- Aile, fuselage, monobloc : bois entoilé ou bois marouflé
- Volets et tableaux de bord : métal
- Capots moteur, portes de coffre et carénages de roue : polyester
- Verrière : PMMA (plexiglass)
Selon que la pièce est en métal, en polyester ou en bois, le traitement des surfaces ne sera pas exactement similaire.
Par exemple, sur les pièces aluminium, les peintres appliquent un traitement par bain d’alodine, puis une protection (anciennement couche de chromate) et enfin une couche d’apprêt.
Ensuite deux couches de peinture sont appliquées, comme pour la peinture de l’aile.
Autre exemple : sur les verrières (PMMA), il faut d’abord poncer la surface en plexiglass à peindre. Il faut ensuite souffler et dégraisser, puis passer une primaire d’accrochage spécifique pour « plastiques » (2 à 3 couches) pour avoir un fond noir.
Ensuite on met deux couches d’APPRÊT. Dernier ponçage de préparation. Enfin on applique les 2 couches de peinture de la couleur finale.
NOTE : Comme les supports sont différents (PMMA, métal, Polyester, bois), il faut toujours mettre une couche de peinture de fond permettant de recevoir la couche de peinture finale. Cela permet d’avoir des rendus identiques en terme de colorimétrie et ce quelque soit le support.
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Bon à savoir
Il y a dans la peinture, plusieurs types de composants. Il y a :
- Les pigments
- Les liants
- Les diluants
- Les durcisseurs : accélère de façon très nette le temps de séchage de votre peinture. En plus d’améliorer le séchage, ce « produit dopant » apporte un aspect plus brillant à la peinture et renforce fortement la dureté du film
- Les assouplissants : Plus on en met, plus cela donne de la flexibilité à la peinture et donc une meilleure résistance dans le temps. Mais cela a pour désavantager d’allonger le temps de séchage significativement.
Nous espérons que cet article vous aura éclairé et qu’il vous aura plu.
N’hésitez à nous laisser vos commentaires et questions, nous nous ferons un plaisir d’y répondre.
A bientôt
L’équipe des ateliers Robin Aircraft
1 commentaire
Hans Van Snick
Posté le 08/06/2018 à 8 h 20 minBonjour, j’ai eu un petit accident avec le Robin DR400. OO-NZV. Une partie de la peinture de l’aile c’est détaché 2,5 cm sur 4 cm apres avoir mis un gopro.
Comment pouvent nous le réparer. Avez vous une idée du cout pour la réparation. Merci bien. J’ai les photos.